Je vais rarement traîner mes grolles dans le parc du Luxembourg, d'abord parce que c'est un parc merdique (En tant que parc s'entend : presque pas de pelouse, de la poussière partout etc.), ensuite parce que j'ai un seuil de tolérance modéré à la rive gauche, enfin non, plutôt à tout ce qui n'est pas l'Est parisien.
Pour des raisons personnelles on va dire.
Mais comme disent les cons, "y a que les abrutis qui ne changent pas d'avis". Ou je me trompe.
Il se trouve donc qu'aujourd'hui, soleil de printemps aidant, je suis en train de me les rouler, vautré au bord d'un bassin du Luco, me reniant même au point de fumer une cigarette (taxée comme de bien entendu), le nez pointé vers le ciel, les yeux fermés comme un angora châtré qui fait sa sieste aprés la bouffe du midi.
Bordel qu'elle est bonne cette clope.
Un vrai moment de bonheur que ne vient même pas entacher la culpabilité parce que comme Blondie me l'a appris il y a déja un bout de temps, "des fois il faut faire relâche avec soit même, y a guère que comme ça qu'on peut lâcher la bride à son ego". Une fille magnifique Blondie. Une amie en or. Au début de notre relation, quand on se connaissait peu mais qu'on s'appreciait déja beaucoup, j'ai une ou deux fois tenté de lui faire des avances, je dois dire. J'aurais bien eu une petite histoire avec elle, même une minable de rien du tout, mais elle non. Alors on est restés potes.
J'en suis encore à penser à tout ça, le nez au vent, quand j'entends la chaise a côté de moi qui racle les gravillons. Par réflexe, je me tourne. Et je vois Guy Bedeau.
Il ne me regarde pas, il regarde le ciel, comme moi il y a un instant. J'ouvre la bouche pour parler mais il me coupe, sans me regarder.
"Je sais ce que vous allez dire, ou du moins je le devine. Une horreur sur moi qui se terminera par une vengeance mesquine, c'est votre façon de procéder. Je ne peux pas dire que parfois je n'ai pas trouvé ça amusant".
Ma bouche reste ouverte. Une mouche passe et entre dedans. Comment ? Que ? Quoi ? Est-ce-que je rêve ?
Sourire modeste de Bedeau.
"Vous ne rêvez pas, vous fantasmez. Et comme vous le savez sûrement, il est tout petit, ce monde. Entre un type que vous ne connaissez pas et vous il y a au maximum 6 personnes. C'est peu".
J'ai envie de contredire : c'est beaucoup, beaucoup trop. L'humanité est une trop grande famille, elle en souffre. Mais me voir en hippie prônant l'amour, y a des jours, j'assume pas. Surtout face à ce gus.
De toute façon, ma langue peut plus bouger. Je suis bloqué, les pieds en appuis contre le rebord du bassin, jambes en extension, la chaise dangereusement inclinée vers l'arrière. Je perds l'équilibre au moment précis où je le réalise.
Bedeau se marre.
"Il était inévitable qu'un jour je tombe sur vous, je connais votre blog. Bref, passons. Je vous offre ma poitrine, tirez en plein coeur et ne me ratez pas".
Geste symbolique, il se dénude alors que je suis en train de me relever et de m'épousseter.
Je ne peux pas dire que j'apprecie le geste. Trop emphatique. Et puis s'offrir pour éviter le sacrifice c'est une méthode que je réprouve pour l'avoir aussi pratiqué dans mon jeune temps. Une méthode de faux cul. En même temps j'en veux pas spécialement à Bedeau. Et je réalise tout d'un coup que c'est le problème. Plus personne n'en veut spécialement à Bedeau. Il a compté, pourtant, Bedeau. Il a compté et périclité.
Alors, parce que je lui pardonne. Parce que je ne lui en veux plus spécialement, par compassion aussi, je glisse un index dans sa chemise entrebaillée, le pose sur sa poitrine velue et avec ma bouche je fais :
"Pan."
Et juste aprés, je réalise que c'est Bedeau qui m'a eu...je suis un sale prétentieux.
Commentaires :
Bouh de bouh!
Bouh! T'as gâché la fin.
Tiens ?