"Franchement, tu pourrais faire des efforts" Il me dit.
Oui mais non. J'ai pas envie.
D'habitude j'ai rien contre, rien de spécialement contre le fait de faire spécialement des efforts, je suis réaliste faut dire. Mais aujourd'hui j'ai pas envie.
D'abord je me suis réveillé avec un goût acide dans l'arrière gorge et une vague envie de dégobiller, j'ignore pourquoi. Ensuite le chat est venu frotter sa tête contre la mienne en posant ses petites pattes poilues contre mon tee-shirt, ce qui est attendrissant, jusqu'à ce que je réalise qu'il revenait de sa litière et qu'il avait lui aussi des problèmes digestifs, ce qui est dégoûtant. Exit donc, le tee-shirt du jour qui est probablement irrécupérable. On s'en fout, je suis pas spécialement matérialiste, mais c'est quand même un poil contrariant. J'ai aussi une douleur persistante un peu partout dans les os et les muscles et cette impression pénible que c'est parce que mon corps vieillit et que, quand même, mine de rien, je l'entretiens assez mal.
Et je vous passe le reste, je suis de mauvaise humeur mais je me contiens. Je n'aurai pas le mauvais goût de me plaindre parce qu'il faut pas déconner, c'est de la gnognotte de merde tout ça, mais j'ai pas envie de faire d'efforts.
Il me regarde, dans l'expectative.
Je ne dis rien et fixe, maussade, l'écran clignotant. "Boulot de merde", je pense, "Vie de merde", je pense encore. Je le regarde. Je pense : "Connard".
"On est d'accord ? Tu te secoues un peu ?"
Je hausse les épaules dans un geste qui, j'en suis conscient, dénote une apathie répugnante.
Il insiste.
"Oui ou non".
J'essaye de grommeller un borborygme vaguement affirmatif. Le résultat est d'une assommante mollesse.
Il s'énerve.
"Qu'est-ce qu'il ya ? Tu te fous de moi ?"
Des signaux clignotent dans mon cerveau, mon coeur s'emballe un peu. Si je me fais virer ça va être la merde. Je flippe. Je tente de montrer une dénégation plus vive :
"Nouuuuuuuuarf". Ce que j'arrive à sortir de plus convaincant.
Il me regarde, incrédule.
"Tu te rends compte que tu ne me donnes pas beaucoup de choix".
Merde mais qu'est ce qu'il se passe ! On dirait que je souris. Non ! Putain non ! Surtout pas !
Glacial : "Je vois, tu as décidé de t'en foutre ? Eh bien tu peux rentrer chez toi on a plus besoin de toi."
Un silence. Il me regarde. Malgré moi je suis déja debout.
Il rectifie : " On n'aura plus besoin de toi, à l'avenir".
Mon corps n'attend pas qu'il se ravise ou qu'il ajoute autre chose, il est déja dehors. Ma conscience s'attarde un instant avec regret. Ma main balaye l'écran et l'unité centrale du bureau ou je végétais. J'enregistre vaguement le bruit qu'ils font en s'écrasant par terre.
Dormir bordel, dormir.
Commentaires :
Meuh non!
Fais comme moi! Tu t'inventes un boulot que tu fais chez toi.
Tu verras, il y a des matins, à force de pas envie, tu te foutrais même des claques tout seul.